Le rôle de la matière organique dans les sols

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Technique

La matière organique joue un rôle essentiel dans le bon fonctionnement du sol. Elle contribue à assurer ses propriétés physiques, chimiques et biologiques.

L’essentiel

La matière organique contribue à permettre aux sols de résister aux phénomènes de désagrégation, de tassement (stabilité de la structure) et de compaction grâce à sa capacité à former des complexes organo-minéraux stables qui confèrent au sol des propriétés plastiques. Elle contribue ainsi à assurer la capacité de respiration des sols (porosité), c'est à dire la bonne circulation des flux gazeux et liquides nécessaires au bon fonctionnement des sols.

Les complexes organo-minéraux possèdent également la capacité de fixer l'eau et les minéraux, et constituent ainsi des réservoirs d'eau et de nutriments pour les plantes (capacité de rétention en eau, capacité d'échange cationique).

La matière organique constitue la nourriture de la majorité des organismes vivants présents dans le sol. Ceux-ci jouent un rôle majeur dans le cycle du vivant par le recyclage de la matière organique et des nutriments, dans la construction du sol par la fabrication des complexes organo-minéraux et dans la protection des plantes.

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Stabilité de la structure

La structure d’un sol est le mode d’assemblage à un moment donné de ses constituants solides (agrégats). C’est un état qui peut donc évoluer dans le temps.

La stabilité structurale est la solidité de cet état et donc sa résistance aux agents de dégradation. Ces agents ont tous un rapport avec l’eau (impact des gouttes d’eau, éclatement des agrégats sous l’effet d’une humectation rapide, dispersion des colloïdes, tassement en période humide).

La stabilité est fortement liée à la teneur en matière organique du sol. Plusieurs mécanismes sont à prendre en compte :

  • L’apport de matière organique engendre une activité microbienne importante. Ces microorganismes libèrent dans le sol des matières organiques dites « transitoires », essentiellement des polysaccharides, qui en enrobant les micro-agrégats augmentent leur résistance à la dégradation. L’effet de ces matières organiques est de courte durée (quelques semaines).
  • La formation de substances humiques à partir de matière organique aboutit dans le sol à la création de complexes organo-minéraux (les plus répandus étant les complexes argilo-humiques). Ces complexes organo-minéraux augmentent la résistance des micro-agrégats à la dégradation, de manière moins intense mais plus longue que ne le font les produits « transitoires ».
  • En conditions sèches, une réhumectation rapide des agrégats peut provoquer leur éclatement. Le caractère hydrophobe de la matière organique, en ralentissant la vitesse d’humectation, diminue ce phénomène d’éclatement.
  • Sur les sols déjà bien pourvus en matière organique (soit à titre indicatif une teneur en carbone >2,5 %), un apport supplémentaire ne provoque pas d’amélioration de résistance à la dégradation.

Résistance à la compaction

La compaction est une augmentation de la densité des sols suite aux passages des engins agricoles. Cette densification est néfaste dans la mesure où elle réduit la circulation de l’eau et les échanges gazeux et peut perturber l’enracinement des plantes.

Dans le sol, les matières organiques, en augmentant la résistance à la déformation et/ou en augmentant l’élasticité, ont tendance à améliorer la résistance à la compaction. Les phénomènes mis en jeu sont en grande partie identiques à ceux améliorant la résistance à la dégradation de la structure (cohésion des agrégats du sols). Les matières organiques humifiées joue un rôle majeur dans la résistance à la compaction. En revanche les matières organiques « libres » du sol, non liées à une fraction minérale, ont une influence négative sur la résistance à la compaction.

Porosité du sol

La porosité représente l’ensemble des vides du sol qui sont occupés en majeure partie soit par l’eau, soit par l’air. Selon la taille des pores, elle se subdivise en macroporosité (vides remplis par l’eau de gravité rapidement drainée et souvent colonisés par les racines moyennes), mésoporosité (retenant une grande partie de l’eau utilisable pour les plantes) et microporosité (retenant l’eau inutilisable). Une porosité totale importante est donc primordiale pour la nutrition des plantes et la circulation des gaz dans le sol. La mésoporosité dépend beaucoup de la texture et de la macroporosité de la structure.

Dans la mesure où la matière organique influence la structure des sols, elle joue donc un rôle considérable pour la macroporosité et la capacité d’enracinement des plantes.

Capacité de rétention en eau

On distingue trois états de l’eau dans le sol :

  • l’eau de gravité, qui n’existe que très peu de temps dans les sols après une précipitation et qui occupe la macroporosité des sols ;
  • l’eau utilisable par les plantes, retenue par le sol, soit à l’intérieur de fins canaux soit sous forme de films assez épais autour des éléments solides (cette eau est également un habitat pour une partie de la microfaune du sol) ;
  • l’eau inutilisable par les plantes, retenue autour des éléments solides en de minces films.

La quantité d’eau utilisable par les plantes et les microorganismes aquatiques dépend premièrement de la texture (fraction minérale du sol) et secondairement du taux de matière organique. L’apport de carbone organique aux sols aura un effet plus important sur la rétention en eau dans les sols à texture grossière que dans les sols à texture fine. 

Capacité d'échange cationique (CEC)

La CEC d’un sol caractérise le pouvoir de fixation du sol en cations échangeables dont les principaux sont : l’hydrogène, le calcium, le fer, le magnésium, le potassium, le sodium, l’ammonium.

La CEC est directement liée à la richesse en argile et à la richesse en matière organique. En effet, dans les sols légèrement acides ou neutres, la matière organique présente des charges négatives aptes à capter des cations (la CEC de la matière organique est généralement nettement supérieure à celle des argiles). Ces complexes dits « adsorbants » constituent le réservoir de cations échangeables et donc disponibles pour les plantes.

Activité biologique

On dénombre un grand nombre de famille d’organismes vivants dans le sol.

  • faune : vers de terres, arthropodes (insectes, arachnides et myriapodes), microfaune (protozoaires, nématodes). 
  • flore : algues, champignons, actinomycètes, bactéries.

La plupart sont des hétérotrophes. Cela signifie qu’ils vont puiser l’énergie dont ils ont besoin dans la matière organique. Il y a donc un lien simple et très important entre le taux de matière organique et l’activité biologique des sols. De cette activité biologique dépendent beaucoup de phénomènes primordiaux pour l’agriculture :

  • la mise à disposition pour les plantes des éléments minéraux constitutifs (oxydation et chélation) ;
  • la décomposition et la transformation des matières organiques ;
  • la fixation d’azote atmosphérique ;
  • le transfert d’eau dans les plantes ;
  • une partie de la porosité du sol ;
  • la défense des végétaux par la sécrétion de substances antibiotiques ou fongicides ;
  • l’humification et la formation de complexes argilo-humiques.

La faune du sol assure une fragmentation par étapes, de la plus grossière à la plus fine, avec dans l'ordre les vers de terre, les myriapodes, les collemboles, les acariens, les nématodes. La surface d'attaque des matières organiques est ainsi augmentée et facilite le travail des bactéries et champignons.

Le passage de la matière organique dans le tube digestif de ces animaux forme des agrégats stables par mélange entre ces matières organiques et les sécrétions intestinales. La faune du sol participe au transfert de la matière organique entre les différentes couches du sol, améliore l'aération du sol, la circulation de l'eau. La macroporosité du sol dans les terres labourées serait due pour moitié aux vers de terre, contre un quart pour le labour. Les déjections des vers de terre sont riches en nutriments facilement assimilables par les plantes (azote, phosphore, etc.).