Digestion anaérobie
La digestion anaérobie est un processus naturel biologique qui dégrade la matière organique en absence d’oxygène (d’où le terme anaérobie) et la transforme en éléments plus simples, répartis entre une phase gazeuse, le biogaz combustible et un mélange solide-liquide, le digestat fertilisant.
La digestion anaérobie est un phénomène qui se produit sans assistance dans les rizières, les marais (la présence de "feux follets" sur les marais peut s'expliquer par la présence de biogaz généré spontanément) ou dans le système digestif de certains animaux comme les vaches (d'où le terme digestion). Dans les décharges d'ordures ménagères, la digestion anaérobie des matières organiques enfouies se produit spontanément, faisant des décharges des producteurs significatifs de biogaz.
Le processus de méthanisation s'appuie sur ce phénomène naturel de digestion anaérobie qui, dans des conditions contrôlées, peut être appliqué à de nombreuses matières comme les déchets agricoles, industriels ou ménagers (biodéchets et boues de stations d'épuration).
La digestion anaérobie est le plus souvent décrite par quatre phases de dégradation successives [Moletta et al. 2015, p 13-14], représentées dans l'image ci-dessus :
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L’hydrolyse dégrade les macromolécules organiques (protéines, lipides…) en monomères (sucres simples, acides aminés, acides gras…) : durant cette phase, des bactéries dites hydrolytiques produisent des enzymes qui vont dégrader la matière organique fraîche (les polymères) en fragments plus petits et solubles (les monomères). Les vitesses de dégradation dépendent des matières à dégrader. Les glucides sont dégradés en premier, puis viennent les protéines et lipides et enfin la cellulose (paroi des cellules végétales). Afin d'accélérer l’hydrolyse, le milieu doit être souvent agité pour homogénéiser la solution. Cette étape prend quelques heures et la présence ou non d’oxygène dans le milieu n’y est pas déterminante (contrairement aux trois étapes suivantes pour lesquelles la présence d’oxygène est bloquante).
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L’acidogenèse permet de faire fermenter les monomères ainsi obtenus : les bactéries acidogènes dégradent les monomères de la matière organique en acides et en alcool. Cette étape prend quelques heures.
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L’acétogenèse convertit les molécules obtenues en molécules précurseurs de la méthanogenèse : les acides synthétisés dans la phase d’acidogenèse sont de la forme des acides gras volatiles qui sont ensuite transformés en acide acétique, en H2 et en CO2 qui serviront ensuite aux bactéries méthanogènes. Les bactéries méthanogènes vivent fixées aux bactéries acétogènes. Un brassage lent est ainsi recommandé, afin de préserver ce lien. Cette étape prend quelques jours (moins d’une semaine).
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La méthanogenèse permet la formation de biogaz : cette étape est la dernière de la digestion anaérobie. On distingue deux types de bactéries méthanogènes en fonction des molécules sur lesquelles elles agissent : les hydrogénotrophes utilisent le H2 et le CO2 alors que les acétoclastes utilisent l’acide acétique. Dans les deux cas, les substrats sont transformés en méthane. C’est ainsi que l’on obtient du biogaz, composé de CH4 (60%), CO2 (40%) avec des traces de H2S, NH3 et H2. Cette étape prend entre une et deux semaines.
Comme tout procédé, la digestion anaérobie dépend fortement du choix des matières entrantes (intrants). Il est important de connaître la teneur des intrants en matière organique ainsi que leur biodégradabilité anaérobie. Cette dernière permet d’évaluer la quantité maximale de méthane que peut produire leur dégradation : le potentiel méthanogène. Le mélange d'intrants en co-digestion peut améliorer l'efficacité du procédé.
Comme tout procédé biologique, la digestion anaérobie est sensible à différents paramètres qui peuvent modifier la stabilité du processus mais également la vitesse de production de biogaz :
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La température : le mode mésophile (30°C - 40°C) est le plus utilisé. Le mode thermophile (entre 50 °C et 65°C) est plus énergivore mais permet d’accélérer l’hydrolyse des substrats organiques solides.
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Le pH : chaque étape nécessite un pH optimal afin d’avoir lieu optimalement. Les deux premières étapes du procédé (hydrolyse et acidogénèse) nécessitent un pH compris entre 4,5 et 6,3 tandis que pour l’acétogénèse et la méthanogenèse il faut un pH plus basique (entre 6,8 et 7,5). Si le pH chute trop dans le digesteur (cela peut arriver dans le cas d’un substrat trop abondant ou trop fermentescible, ce qui entraîne une accumulation d’Acides Gras Volatils lors des deux premières étapes), la production de biogaz peut en pâtir. Le pH varie durant la digestion anaérobie, du fait des produits des différentes réactions : le carbone et les acides gras modifient en effet les pH des étapes de la digestion anaérobie.
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La teneur en eau affecte la production de méthane à partir notamment des déchets solides. Il a été démontré que la production de méthane dépendait de la teneur en eau via l’activité des méthanogènes.
Différentes techniques de méthanisation peuvent être mises en oeuvre en adaptant ces paramètres aux matières organiques à dégrader.