Digestat et qualité de l'eau

Environnementale

Environnementale

La méthanisation de co-produits agricoles conserve les éléments fertilisants qui se retrouvent dans le digestat. Celui-ci est épandu sur les parcelles pour fertiliser les cultures qui seront ensuite récoltées. Comme pour l'air et les sols, l'usage du digestat en substitution à d'autres fertilisants (lisier brut, engrais minéraux) change les composés azotés potentiellement entraînés dans l'eau circulant sur les parcelles.

L'essentiel

La dynamique de l’azote dans le digestat est différente de celle des matières brutes non digérées (lisier, fumier) : l’azote est minéralisé lors du processus de digestion et se retrouve essentiellement sous forme ammoniacale dans le digestat. Une faible partie de cette forme ammoniacale (NH4+) est directement assimilable par les plantes. Le reste de ce NH4+ peut être fixé au complexe argilo-humique, volatilisé ou nitrifié :

  • NH4+ est très sensible à la volatilisation et si le digestat est épandu sans précautions, plus de 80% de l’azote peut être perdu [Bodèle et al., 2018]
  • NH4+ est très réactif et se transforme facilement en nitrates NO3- qui est la principale forme d’azote assimilé par les plantes. Cependant c’est également cette forme qui est le plus sensible à la lixiviation. Il convient donc d’être très vigilant aux apports d’azote lors de l’épandage du digestat car le surdosage peut avoir de lourdes conséquences sur la pollution de l’eau.

Pour aller plus loin

La séparation de phase permet une meilleure maîtrise de la fertilisation avec des apports mieux ajustés aux besoins des végétaux par rapport à l’épandage direct des effluents agricoles. Comme le montrent les essais en plein champ (digestat brut, digestats liquide et solide) du programme MétaMétha, la connaissance des besoins des végétaux et l’adaptation des épandages permettent un usage aussi efficace de l’azote apporté par les digestats que les autres modalités (lisier et fumier, minéral) [Savoie et al. 2020].

Un suivi de 3 ans d’une parcelle expérimentale implantée en prairie dans la Région wallonne de Belgique n'a pas constaté de risque de lessivage des nitrates avec les différentes formes de digestat testées (brut, liquide, solide, séché), et ce indépendamment du taux d’azote et du niveau des précipitations contrairement aux engrais chimiques. L’étude a même montré que les reliquats azotés, et donc les risques de lixiviation, avaient diminué avec l’épandage de digestat par rapport à une fertilisation uniquement minérale [Tsachidou 2019].

Le programme MéthaLAE a montré que le solde azoté global des exploitations enquêtées (46 exploitations agricoles à l’échelle nationale) a diminué de 8kg/ha soit 11% en moyenne après la mise en place de la méthanisation [MethaLAE 2015-2018].

Le programme MéthaPolSol a montré que la mise en place ou non d’une interculture (type CIVE) a plus d’impact sur les reliquats azotés post-récolte que le type de fertilisant organique utilisé [MethaPOLSOL 2016-2019].

On peut distinguer des "pratiques favorables" et des "pratiques défavorables" à la qualité de l’eau, certaines pouvant être induites par la méthanisation.

Pratiques favorables

  • La méthanisation favorise en général la mise en place de CIVE et l’augmentation de la couverture du sol, avec pour effet la limitation de la lixiviation des nitrates au même titre qu’une CIPAN pourrait le faire par rapport à un sol nu, mais aussi une limitation du lessivage des sols en général.
  • On peut noter par retours d’expériences que certaines adventices ne sont plus présentes dans le digestat alors qu’elles l’étaient dans du lisier (avoine folle), ce qui pourrait participer à une baisse de l’utilisation d’herbicide.
  • Concernant les cultures dédiées, il faut favoriser les cultures à Bas Niveau d’Impact (BNI), herbe notamment.

Pratiques défavorables

  • Le développement de surfaces significatives de maïs dédiées aux méthaniseurs, parfois au détriment des surfaces de prairies.
  • La méthanisation des résidus de cultures est déconseillée s’il n’y a pas de mise en place d’interculture derrière (CIVE ou CIPAN). En effet, la dégradation au champ des résidus de culture, ayant un ratio carbone/azote élevé, permet de réduire la charge de nitrates dans le sol et de limiter la lixiviation.
  • Si les digestats sont plus facilement assimilables par les plantes, ils sont, en cas de mauvais dosage ou d’apport au mauvais moment, facilement lessivables car l’azote se nitrifie rapidement. Au même titre que les autres produits fertilisants (PRO, engrais minéraux…), l’usage des digestats doit s’accompagner de conseils précis concernant leur utilisation, notamment sur les zones sensibles pour les ressources en eau et sur les captages.
Sources
SOLAGRO, CA 49, TRAME, AILE, EPLP, CERFRANCE, 
MéthaLAE : la méthanisation, levier de la transition agroécologique
, 2019 , Programme financé par le programme CAS DAR du Ministère de l'Agriculture, l'Agence de l'Eau Adour Garonne, l'ADEME.
A. Savoie, V. Moinard , C. Pasquier et S. Houot, 
Impacts de l’introduction de la méthanisation à la ferme sur les bilans Carbone et Azote de la fertilisation des cultures : Résultats de 3 ans de mesures à Nouzilly en région Centre Val de Loire
, 2020 , Présentation aux JRI biogaz méthanisation 2020
Claire Bodèle, Cécile Manhes et Hélène Lagrange, 
Essai pluriannuel d’épandage de digestat : Premiers résultats azote : mesures de volatilisation et de valorisation par les cultures (2016-2018)
, 2019 , poster aux 14es rencontres du COMIFER
Tsachidou B. et al., 
Biogas residues in substitution for chemical fertilizers: A comparative study on a grassland in the Walloon Region.
, mai 2019 , Science of the Total Environment, 666, 212–225.